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Je n'aime pas la compétition quand elle pousse des embarcations trop fragiles et trop grandes que la mer peut paralyser d'une seule de ses vagues.
Un voilier endommagé devrait pouvoir être ramené au port par son sk ipper. Si c'est au-dessus de ses forces, ce bateau n'a pas sa place dans les mers du Sud.
Je n'ai pas voulu de balise de détresse à bord de Naïla. En cas d'avarie grave, la décision d'appeler au secours, de devoir compter sur les autres pour me sortir du pétrin où je me serais mis moi-même, je n'aurai pas à la prendre.
Aucune pensée suicidaire ne dicte mon choix. Provoquer la mort ne m'intéresse pas. Je veux seulement vivre ma passion, à mes risques et périls. Il est trop facile de s'affranchir, de vivre libre loin des hommes et d'appeler ces mêmes hommes au secours en mettant peut-être leur vie en danger..
(voir le point de vue d'Alain ROBERT ,alias Spiderman)
Sur le port, un homme me harcèle de questions:
- vous avez une balise de détresse ?
- Non.
- Alors, vous allez en acheter une.
- Non.
- Vous serez obligé, tout bateau étranger quittant un port de Nouvelle-Zélande doit passer une visite de sécurité et la balise est obligatoire.
- Eh bien, je trouve ça nul. Tu peux traduire, Dominique.
L'homme me regarde étonné.
- Plus on impose de réglementation et plus on déresponsabilise. Perdu en plein milieu du Pacifique, je ne veux à aucun moment penser que quelqu'un d'autre puisse venir me tirer d'un mauvais pas. Aucune vanité dans ce choix. Seulement je suis sûr qu'en ne disposant d'aucune autre possibilité, je me bagarrerai jusqu'au bout pour sauver mon bateau et ma peau.
Bon sang, il faut savoir prendre ses responsabilités et ne pas partir en comptant toujours sur. l'aide des autres.
Interloqué, le regard de mon interlocuteur tangue entre Dominique et moi.
- Mais on en trouve à moins de 300 dollars!
- Dominique : dis à ce monsieur qu'il n'a rien compris. Même s'il m'en faisait cadeau, je n'en voudrais pas.
L'homme s'en va...
L'autre petit souci concerne la réserve d'eau : depuis un mois tous les deux jours, je dois dessaler de l'eau de mer, m'adonnant cet exercice de musculation une bonne heure, chaque fois pour un résultat de quatre litres d'eau potable.
Malgré les efforts qu'elle requiert, cette pompe manuelle est vitale. Je ne peux m'empêcher de faire des calculs en tirant sur ce levier.
A Paris, je prenais un bain chaque soir dans une grande baignoire de 200 litres, l'équivalent de cinquante heures de pompage, deux jours d'affilée à actionner un levier. Je sous-estimais le prix de l'eau.
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